Dès que vous entendez parler de chirurgie plastique ou esthétique, vous y associez les mots réinjection de graisse, lipofilling, lipostructure…
Mais pourquoi tant d’intérêt pour cette graisse que l’on cherche à éliminer par tous les moyens ?
Focus sur un tissu représentant l’avenir de la chirurgie esthétique-plastique et de la médecine régénérative.
Avant de commencer, et pour ne pas vous perdre dans un vocabulaire médical compliqué, voici quelques définitions utiles à la compréhension de l’article:
Longtemps considéré comme un simple tissu de stockage, le tissu gras est en fait un véritable organe jouant un rôle important :
Notre graisse n’est donc pas qu’une simple réserve passive, on sait maintenant que le tissu gras se comporte comme une véritable glande hormonale. Elle est ainsi capable de produire des signaux et des hormones qui vont avoir une action sur d’autres tissus. Par exemple, elle est capable de jouer un rôle majeur dans la survenue de l’obésité, en augmentant la sécrétion de l’hormone leptine et en diminuant l’hormone adiponectine.
Il existe plusieurs types de tissus gras, nous ne décrirons pas ici le tissu adipeux médullaire se trouvant dans les cavités osseuses.
Le tissu adipeux blanc : il est en réalité de couleur jaune à cause des pigments de carotène qui lui donnent cette couleur jaunâtre. Il est très prédominant et joue un rôle dans le stockage de l’énergie, dans le maintien de l’équilibre tissulaire, dans la reproduction et la création de nouveaux vaisseaux sanguins. Ce tissu est composé d’adipocytes (cellule graisseuse) en prédominance, mais aussi d’autres types de cellules appelées fraction vasculaire stromale du tissu adipeux. C’est cette fraction qui contient les cellules souches adipocytaires.
Le déséquilibre de ce tissu, par excès ou par défaut, entraine l’apparition de troubles métaboliques (augmentation du risque cardio-vasculaire…) ou endocrinien (diabète de type II…)
Le tissu adipeux brun : de couleur plus foncée et brunâtre, il assure une fonction importante sur la régulation de la température corporelle et est très développé chez le nouveau né et nourrisson pour le protéger dans cette période de grande vulnérabilité. Ce tissu disparaît rapidement par la suite et on retrouve des adipocytes bruns au milieu des adipocytes blancs. Des études sont en cours pour mieux comprendre sa répartition et la fonction du tissu brun chez l’adulte.
La prise de tissu gras augmente globalement avec l’âge mais peut s’effectuer à n’importe quel moment dans le temps.
Ainsi notre métabolisme diminuant avec l’âge nous avons tendance à prendre du poids et donc de la graisse.
De plus, certains tissus, avec l’âge, ont tendance à subir l’involution adipeuse, c’est à dire qu’un tissu va se transformer en graisse sous l’arrêt de l’action hormonale (par exemple la glande mammaire présente dans le sein : le sein devient moins glandulaire et ferme et plus graisseux et mou).
On va différencier différentes couches de gras en fonction de sa localisation et de sa profondeur :
Une chose est importante à comprendre : le nombre et la taille des cellules graisseuses varient en fonction de leur localisation et de chaque individu mais également en fonction des récepteurs présents sur la cellule adipeuse.
Par exemple, sur la région de la culotte de cheval, les femmes possèdent souvent de nombreux récepteurs appelés alpha 2. Or, ces récepteurs ont pour rôle d’empêcher la destruction de la cellule graisseuse. On comprend ainsi qu’une femme ait du mal à perdre cette graisse alors qu’elle réalise un régime et une activité sportive suffisante pour perdre du gras. Il existe donc certaines zones graisseuses persistantes même chez les personnes maigres.
La survenue d’une obésité (prise de poids importante) résulte d’un déséquilibre entre les entrées et les sorties. Les entrées caloriques se font par l’alimentation alors que les sorties sont multiples :
Notre poids est déterminé par le nombre et le volume de nos cellules graisseuses et par notre masse musculaire.
Quand nous prenons du poids, initialement, les adipocytes se remplissent de graisses (triglycérides), puis, leur nombre va augmenter sous l’action de la cellule souche de la graisse, le pré-adipocyte.
Quand nous maigrissons, le nombre d’adipocytes ne varie pas, ils se vident de leur contenu en triglycérides. C’est ce phénomène qui explique l’inefficacité ou l’efficacité partielle de certains régimes amaigrissants, car ils ne modifient pas le nombre de cellules graisseuses. D’où l’intérêt de la liposuccion qui va venir diminuer le stock en cellules graisseuses et donner un résultat stable dans le temps.
Nous avons tous un poids habituel dit « de croisière ». Lorsque nous perdons du poids par un régime approprié, il n’est pas rare que nous revenions ensuite à notre poids d’origine, habituel.
En moyenne, la masse graisseuse représente 20 à 25% du poids chez la femme et 10 à 15% chez l’homme.
Les hommes accumulent leur excès de graisse au niveau abdominal et notamment dans la graisse profonde intra-abdominale.
L’homme concentre davantage sa graisse sur la partie supérieure : ventre et thorax (gynécomastie).
La culotte de cheval (graisse sous trochantérienne) n’existe pas chez l’homme, sous l’influence des hormones masculines.
Les femmes ont une accumulation préférentielle de leur graisse au niveau de la région des hanches et des cuisses (dite région glutéo-fémorale).
La prise d’âge ainsi que la ménopause vont entrainer une accumulation sélective de tissu adipeux profond viscéral.
La répartition du tissu gras joue un rôle important dans le développement du diabète de type II et des maladies cardiovasculaires dans les deux sexes.
Il existe une grosse part de génétique dans la répartition de la graisse. On peut ainsi retrouver la présence d’excès de graisse au niveau de la paupière inférieure chez des sujets jeunes ou la présence d’une culotte de cheval marquée chez des femmes très maigres. L’influence génétique se confirme par la fréquence de cette anomalie sur plusieurs générations….
L’utilisation du tissu adipeux en greffe n’est pas une technique récente. En effet, ses premières applications en chirurgie plastique remontent à la fin du 19e siècle.
C’est l’apport de la liposuccion (prélèvement des cellules graisseuses par aspiration) dans les années 1980 qui a permis de changer la vision de la greffe de tissu graisseux. En effet, sa facilité de prélèvement et de réinjection a permis une meilleure réalisation ainsi que l’amélioration des taux de prise de greffe. Ses applications en chirurgie reconstructrice du sein on permis d’améliorer sensiblement les résultats de la reconstruction.
Lors d’une greffe, la technique de prélèvement et de réinjection de la cellule graisseuse est primordiale car tout acte traumatisant pour le prélèvement de cette graisse doit être évité.
L’utilisation en chirurgie esthétique et plastique est diverse :
Le transfert de tissu graisseux correspond à une greffe, et, comme toute greffe, il existe un pourcentage de prise de la greffe et de rejet de celle-ci. Il ne s’agit pas d’une technique parfaite, mais d’une technique ayant certaines bonnes indications. Il s’agit d’une technique en plein essor mais de nombreuses variables vont influencer le résultat final :
Ce risque cancéreux va concerner la graisse réinjectée dans les seins. Actuellement, de nombreuses interrogations persistent sur le caractère complètement sécure de l’utilisation de la réinjection de gras. En effet, des modèles animaux ont démontré la possibilité de développer des cancers lorsque les cellules sont injectées au contact de cellules en phase de pré-cancer ou de cancer. Cela est dû aux cellules souches de la graisse qui pourraient avoir une action sur les cellules du tissu receveur ou qui pourraient se transformer en cellules pré ou cancéreuses.
La Haute Autorité de Santé recommande de ne pas effectuer la technique de lipofilling des seins chez des patientes ayant des antécédents de cancer du sein au premier degré (mère, sœur) ou dans des familles dites à risque, dans lesquelles l’on retrouve de nombreux cancers du sein sur plusieurs générations.
Diplômé de Master II (Faculté de Sciences de Nice, 2014-2015) en recherche en sciences de la vie et de la santé sur le thème: Cartographie moléculaire du tissu adipeux humain: Application à la chirurgie reconstructrice; perspectives, (Laboratoire cellules souches et différentiation, IBV, UMR7277 CNRS – UMR1091 INSERM, Dr Dani), j’ai étudié, et j’étudie toujours avec grand intérêt la cellule graisseuse sur son versant moléculaire et sur son versant clinique.
J’ai effectué des recherches sur l’étude génétique du tissu gras et notamment sur les sites de prélèvement en chirurgie plastique et sur la correspondance entre ces sites et le sein, qui est un site de réinjection privilégié aussi bien en chirurgie réparatrice qu’en chirurgie esthétique.
Nous avons publié nos travaux, avec le laboratoire, dans le Plastic and Reconstructive Surgery Journal, journal international le plus important en chirurgie plastique. Un autre article vient d’être publié et deux autres études sont actuellement en cours d’élaboration.
La liposuccion n’est pas destinée à tous les patients : en effet les patientes et patients qui présentent un poids trop élevé ou des excès graisseux diffus ne sont pas de bons candidats à cette technique.
En effet, l’objectif de la liposuccion n’est pas de perdre du poids mais d’enlever des zones localisées de graisse qui modifient la silhouette et que l’on n’arrive pas à perdre.
Classiquement, la femme jeune présentant un excès de graisse au niveau de la culotte de cheval ou des genoux ou des cuisses, la femme qui, après ses grossesses, présente un petit excès sur le ventre ou encore l’homme de 50 ans présentant du ventre et des hanches sont les candidats privilégiés pour une liposuccion.
Une liposuccion réussie et stable dans le temps nécessite :
En revanche, une reprise de poids importante entrainera une modification minime de la silhouette par la liposuccion et donc une perte du bénéfice de la chirurgie.