Dans cet article, je vous propose de comprendre un peu mieux la cicatrisation, élément clé d’une intervention de chirurgie plastique. Focus sur cette cicatrice !

Dès lors que notre peau subit une plaie chirurgicale ou traumatique au-delà de la couche de l’épiderme, la cicatrisation va se faire en laissant une marque visible : la cicatrice.

Pour rappel notre peau est constituée de différentes couches superposées :

  • l’épiderme, qui est la couche la plus superficielle, qui ne contient pas de vaisseaux sanguins. C’est cette couche qui est abîmée lors d’un coup de soleil (peau qui se décolle). Elle ne laisse pas de cicatrices visibles en cicatrisant.
  • Le derme, couche intermédiaire de la peau, contenant les vaisseaux sanguins, les nerfs, les glandes sécrétant le sébum et les follicules des poils. Une atteinte de la peau dès cette couche entraînera une cicatrice visible.
  • L’hypoderme, ou couche la plus profonde de la peau, et qui contient notamment de la graisse, des vaisseaux et des nerfs. Elle joue un rôle important dans la souplesse de la peau.
Organisation de notre peau
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Lignes de tension naturelles de notre peau 

En pratique, la plupart des chirurgiens plasticiens qui réalisent des sutures chirurgicales le font de façon minutieuse et en appliquant les principes de suture qui permettent d’obtenir une cicatrice la plus jolie possible.

Ce qui va être prépondérant par la suite, c’est la façon dont vous allez prendre soin de vos cicatrices.

Comprendre la cicatrisation normale

La réparation d’une plaie se fait par un tissu fibreux de cicatrisation différent du tissu d’origine : il va donc y avoir une trace de cette agression qui correspond à la cicatrice qui est souvent blanche (à cause de la présence des fibres de collagène).

Pour faire simple, lors d’une plaie, notre organisme n’arrive pas à recréer à l’identique les mêmes tissus qu’à l’origine et les remplace par un tissu différent, dit tissu fibreux d’interposition, riche en collagène.

Il existe une exception pour les muqueuses (lèvre…) où la cicatrisation peut se faire comme le tissu d’origine, sans laisser de traces visibles.

Théoriquement, les glandes de la sueur et les poils ne se développent pas sous la cicatrice.

La cicatrisation va évoluer en trois phases successives :

Les prérequis à une belle cicatrice

Pourquoi cicatrise-t-on ?

La cicatrisation a pour objectif de limiter les pertes et de protéger l’organisme des infections éventuelles. En effet, une plaie entraîne une perte d’eau et d’ions et permet aux bactéries d’entrer dans notre organisme et d’y proliférer. Ce sont les fibres de collagène qui constituent l’essentiel de la cicatrice.

Quels sont les principes d’une bonne suture chirurgicale ?

Lors de la suture d’une plaie, le médecin doit respecter les principes suivants :

  • Ne pas laisser les points de suture trop longtemps si ceux-ci sont situés de part et d’autre de la peau (points séparés) au risque d’obtenir la classique cicatrice inesthétique en barreaux d’échelle (photo ci-dessous)
  • Multiplier les plans de suture quand la plaie est profonde pour pouvoir répartir les tensions sur la cicatrice.
  • Aligner parfaitement les berges de la plaie afin que celles-ci ne se chevauchent pas et éviter ainsi une cicatrice surélevée ou non linéaire.
  • Suturer ou inciser en respectant les lignes de tension de la peau et en essayant au maximum de placer la cicatrice dans un pli naturel, près d’une ligne d’implantation de cheveux, ou dans une zone cachée par les vêtements.
  • Privilégier les techniques de suture par surjet (fil complètement caché dans la peau).
  • Privilégier les fils non résorbables si le patient présente des réactions inflammatoires antérieures aux fils de suture résorbables.
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La cicatrice dite « en barreaux d’échelle »
  • Ensuite, au cours des jours suivant, se déroule la phase d’inflammation et de prolifération cellulaire : la cicatrice devient plus rouge, indurée, et surélevée avec des démangeaisons fréquentes. Ce stade dure en moyenne 3 à 6 mois.
  • La première phase débute quelques jours après la plaie : la cicatrice est généralement belle et fine et correspond à la phase dite d’hémostase.
  • La cicatrice rentre ensuite dans sa dernière phase de remodelage secondaire où elle commence à blanchir et à s’assouplir. De la même façon, les démangeaisons disparaissent. Au terme de ce processus qui va jusqu’au 24e mois, plus ou moins long et imprévisible, la cicatrice est indélébile, blanche, souple et insensible.

Une cicatrice évolue donc sur une durée de 12 à 24 mois et nous allons donc pouvoir agir sur cette cicatrice tant qu’elle est en phase de remodelage (immature).

La cicatrisation pathologique

Avant de se pencher sur la cicatrisation normale il faut aussi savoir que certaines cicatrisations sont pathologiques. Il est important de comprendre qu’une cicatrice large ou inesthétique n’est pas considérée comme une cicatrice pathologique.

Parmi les cicatrices pathologiques on retrouve deux grandes pathologies :

La cicatrice hypertrophique

Il s’agit d’une cicatrise rouge et gonflée et qui inquiète souvent le patient.

Il convient de bien différencier une cicatrice hypertrophique d’une cicatrice chéloïde. Même si ces 2 types de cicatrices pathologiques ont pour point commun d’être des cicatrices dont la rougeur tend à persister au-delà d’un an, la cicatrice hypertrophique, elle, régresse spontanément.

Cette cicatrice hypertrophique a pour caractéristiques :

– De ne pas s’étendre au-delà des limites initiales de la cicatrice
– D’apparaître dans le mois qui suit le traumatisme
– De guérir spontanément en 18 mois
– De ne pas récidiver après son exérèse en peau saine
– De concerner souvent une seule une partie de la cicatrice initiale.

La cicatrice chéloïde

Par définition, elle persiste au-delà de 18 mois et peut même évoluer après dans le temps.

Elle présente les caractéristiques suivantes :

– Rouge
– Gonflée
– Epaisse
– Et, surtout, elle ne régresse pas spontanément.

Une fois le tissu fibreux collagénique formé sur la cicatrice, l’organisme ne reconnaît pas la cicatrisation comme acquise et continue à produire du collagène dans le derme entrainant une cicatrice qui grossit. Elle peut parfois présenter des démangeaisons, voire être parfois douloureuse.

La chéloïde a tendance à se ramifier et à se propager sur les zones attenantes par excroissances (aspect en pinces d’écrevisse). Elle présente également une tendance à revenir et de façon plus importante après exérèse chirurgicale. Elle survient préférentiellement chez les patients et patientes ayant un phototype foncé (couleur de peau bronzée).

Elle nécessite une prise en charge spécialisée avec un traitement spécifique car elle ne régresse pas spontanément.

Les facteurs influençant notre cicatrisation

Il existe de multiples facteurs qui expliquent que nous cicatrisons bien ou pas. Certains sont intrinsèques, c’est à dire qu’ils sont liés à notre hérédité ou encore à la qualité de notre peau, d’autres sont liés à des facteurs dits extrinsèques que l’on peut maîtriser.

On note donc des différences de cicatrisation en fonction :

De l’âge

L’imprégnation hormonale influence la cicatrisation et notamment la rougeur de la cicatrice. Ainsi les patientes et patients jeunes ont tendance à faire des cicatrices qui sont rouges/inflammatoires de façon plus prolongée.

Chez les femmes jeunes, la prise de contraceptifs oraux associée au tabac entraine des cicatrices souvent rouges et boursouflées.

A contrario, les personnes plus âgées présentent souvent une cicatrisation plus froide et moins inflammatoire.

De l’origine ethnique

En règle générale, les patients présentant un phototype clair (couleur de peau blanche) ont tendance à mieux cicatriser que les personnes présentant un phototype foncé (peau brune bronzée).

De l’imprégnation à la nicotine

La nicotine entraîne une vasoconstriction des petits vaisseaux sanguins (= diminution du calibre, donc baisse de l’apport en sang oxygéné). Ainsi les fumeurs ont des cicatrices qui mettent plus de temps à cicatriser avec une tendance plus facile à la réouverture et à l’infection.

La communauté des chirurgiens plasticiens s’accorde sur une demande d’arrêt complet du tabac au moins un mois avant l’intervention puis jusqu’à cicatrisation (en général 15 jours après l’intervention). La cigarette électronique est considérée de la même manière.

Si vous fumez, parlez-en à votre chirurgien et à votre anesthésiste.

De l’hygiène de vie et de l’état de santé en général

Une bonne hygiène de vie, une bonne alimentation, une absence de tabagisme et une bonne immunité permettent d’optimiser le processus de cicatrisation. Notre corps est très sensible à ces conditions dans le processus de cicatrisation.

Ainsi la malnutrition ou les carences (protéine, vitamines…) ou encore les maladies diminuant notre immunité (comme le diabète) sont responsables d’une cicatrisation de moins bonne qualité et souvent plus longue.

De notre hérédité

Il existe des patients cicatrisant très bien et d’autres cicatrisant mal. Notre capital génétique et notre hérédité jouent un rôle non négligeable dans la qualité de notre cicatrisation.

De la localisation sur notre corps

Certaines zones de notre corps sont réputées pour leur bon ou au contraire leur mauvais potentiel de cicatrisation.

Ainsi la peau des paupières, la plus fine de notre corps, cicatrise parfaitement bien et rapidement.

A l’inverse, la peau du dos ou du thorax est épaisse et présente une qualité de cicatrisation moins importante.

Certaines zones, comme le lobe d’oreille, sont des zones connues pour être pourvoyeuses de cicatrices chéloïdes.

Du stress

Le stress a un effet néfaste sur notre cicatrisation en augmentant les phénomènes inflammatoires. Le stress psychologique est un facteur important dans les troubles de la cicatrisation et le développement de cicatrices hypertrophiques.

De l’exposition solaire

Les rayons Ultra-Violets entraînent une inflammation de notre peau qui augmente les phénomènes de production de collagène et qui entraine une pigmentation trop précoce de la cicatrice, avant que celle-ci ait eu le temps de mûrir.

On considère qu’idéalement, une cicatrice ne doit être exposée au soleil qu’après sa phase de remodelage, donc après 24 mois.

De la tension et de la contrainte que l’on applique sur la cicatrice

Certaines zones de notre corps comme la poitrine (thorax) ou encore le dos sont des zones soumises en permanence à des tensions dues aux mouvements de notre corps. Si il est facile d’éviter la tension sur la cicatrice d’un bras en l’immobilisant pendant 15 jours par une attelle, coude au corps, il est impossible de supprimer les tensions sur notre tronc. Aussi, idéalement, il faut le moins de mouvements de contrainte possibles sur une cicatrice pour que celle-ci ne s’élargisse pas avec le temps.

Du temps

Une règle générale est que les cicatrices s’améliorent avec le temps. En effet, la phase de remodelage se poursuivant, les fibres de collagène formant un amas lors de la cicatrice initiale ont tendance à mieux se répartir et à suivre les lignes de tension de la peau.

Comment améliorer ses cicatrices ?

Pour un chirurgien plasticien la cicatrice idéale doit être :

  • Plane,
  • non adhérente aux plans sous-jacents.
  • régulière,
  • étroite,
  • linéaire,
  • souple,
  • non douloureuse,

Il convient de savoir que, lorsqu’une intervention chirurgicale amène à traverser la peau, quelle que soit la technique utilisée pour recoudre celle-ci, elle se réparera en laissant une cicatrice qui ne peut pas disparaître totalement.

Il est impossible de faire disparaître complètement une cicatrice, que ce soit par la chirurgie ou par tout autre moyen (pommades, tatouages, peeling, laser…).

Pour favoriser au mieux le processus de cicatrisation, celle-ci a besoin de plusieurs éléments :

  • Une cicatrice a besoin de compression pour éviter d’être boursouflée/surélevée.
  • Une cicatrice a besoin d’hydratation pour pouvoir être souple.
  • Une cicatrice a besoin d ‘être modelée par des massages pour pouvoir se fondre, s’intégrer dans les tissus qui l’entourent et ne pas adhérer aux tissus adjacents.

Une cicatrice est donc au départ immature et par la suite il faut la diriger et l’orienter pour la faire cicatriser le mieux possible.

Cicatrice idéale pour un chirurgien plasticien sur une incision autour du mamelon pour pose d’implants mammaires.
Cicatrice idéale pour un chirurgien plasticien sur une incision autour du mamelon pour pose d’implants mammaires.

Protocole post-opératoire de prise en charge des cicatrices

Voici le protocole de prise en charge de cicatrice que je propose à mes patientes et patients. Ce protocole est débuté une fois la plaie bien cicatrisée, généralement entre le 15e et le 20e jour après l’intervention.

-Lavez votre peau et vos cicatrices une fois par jour à l’aide d’un savon sans savon à PH Neutre qui évitera d’agresser ou de dessécher votre peau.

-Séchez bien votre peau et la cicatrice sans frotter.

-Un sèche-cheveu en mode tiède à 20 cm de la cicatrice peut aider à bien sécher la cicatrice.

-Massez généreusement la cicatrice pendant plusieurs minutes pour obtenir un effet d’ « échauffement », la chaleur favorisant le passage de la crème en effectuant des mouvements circulaires à l’aide de vos doigts.

-Utilisez une crème « du matin » qui aura essentiellement une action d’hydratation (crème à base d’acide hyaluronique et de corps gras).

-Utilisez une crème « du soir » ayant une action un peu différente et jouant plus sur le remodelage et contenant des complexes minéraux type cuivre/zinc/manganèse pour stimuler la production de nouvelles cellules et d’autres facteurs pour favoriser la bonne organisation de ces cellules et permettre une réparation épidermique de qualité.

-Puis, pendant quelques minutes, pincez, massez dans tous les sens votre cicatrice pour l’assouplir. Le massage d’une cicatrice a pour but de la décoller complétement et d’éviter qu’elle accroche. Il ne faut donc pas hésiter à y aller vigoureusement lors du massage.

-A la fin du soin de massage, déposez une compression sur la cicatrice (idéalement la matin avant d’aller travailler, le soir avant de se coucher) :

. Soit par un gel de silicone que vous déposez sur la cicatrice en couche fine et que vous laissez sécher pendant 5 minutes
. Soit par une bande compressive siliconée ou autre à coller sur la cicatrice pour qu’elle exerce une pression dessus.

La durée de ce traitement est de 3 mois et à réévaluer par la suite par le chirurgien lors de la consultation de contrôle.

Peut-on reprendre chirurgicalement une cicatrice ?

Il faut bien comprendre que la cicatrisation reste un phénomène aléatoire dont la qualité ne peut en aucun cas être garantie. La parfaite maîtrise technique d’un chirurgien plasticien qui est spécifiquement formé à ce type d’intervention permet de mettre toutes les chances de son côté mais ne supprime pas cet aspect aléatoire.

Dans le cadre d’une correction chirurgicale de cicatrice anormale, il est fondamental de contrôler régulièrement l’évolution et l’aspect de la cicatrice. C’est le seul moyen d’être sûr de repérer à temps d’éventuels troubles de la cicatrisation et de leur appliquer un traitement approprié.

On peut reprendre des cicatrices si elles sont inesthétiques pour la ou le patient. Cela est généralement possible après une période révolue de deux ans de soins de cicatrisation.

On considère alors qu’il n’existe plus de possibilité d’amélioration de la  cicatrice :

  • La reprise simple : elle s’adresse à des cicatrices trop larges et dont la laxité de peau autour est suffisante. Le but n’est pas d’enlever la cicatrice mais de la remplacer par une cicatrice bien fine, linéaire et blanche.

Quand la taille de la cicatrice est trop importante il faut avoir recours à des procédés plus spécialisés de chirurgie plastique :

  • Expansion cutanée, grâce à des ballonnets gonflables placés sous la peau saine avoisinante et permettant de la distendre au fur et à mesure du gonflement (sur plusieurs semaines) et d’utiliser l’excédent cutané ainsi obtenu lors de l’ablation des ballons pour recouvrir la zone cicatricielle.
  • Exérèses dites itératives : consistent à réaliser des excisions en plusieurs fois, permettant à la peau de se détendre entre deux temps d’une intervention.
  • Greffe de peau prélevée sur une autre région du corps et réimplantée.
  • Plastie locale, avec déplacement d’un lambeau de peau avoisinant pour que celui-ci vienne recouvrir la zone cicatricielle.

Quel avenir pour l’amélioration des cicatrices ?

L’arrivée des lasers peropératoires

Des lasers utilisés sur les cicatrices en fin d’intervention permettent d’envoyer des signaux qui vont entrainer de façon précoce une réorganisation des fibres de collagène et ainsi améliorer l’aspect final de la cicatrice. Ces lasers sont commercialisés depuis peu.

Les facteurs de croissance et cellules souches

L’ajout dans la cicatrice ou à son contact de facteurs de croissance voire même de cellules souches peut avoir un effet sur la rapidité et la qualité de la cicatrisation.De multiples études sont en cours. Le problème du coût du traitement se posera.

La cosmétologie

Le développement des laboratoires dans le domaine de la recherche pour la cicatrisation est très important et de nouvelles crèmes et produits vont progressivement apparaître.

La toxine botulique

Certaines études sont en cours et visent à étudier si l’utilisation de la toxine botulique améliore la cicatrisation en offrant moins de contraintes et de tension sur la cicatrice.

Le système de thérapie par pression négative

Les systèmes d’aspiration par thérapie négative posés immédiatement sur la plaie permettent de mettre la plaie dans des conditions idéales de cicatrisation en retirant en permanence les sécrétions cicatricielles. Des études sont en cours pour évaluer la pression à appliquer et la durée du traitement.